François Blaquart, ancien Directeur technique national de la Fédération française de football, a effectué une visite en Algérie de quatre jours au cours de laquelle il a eu des discussions avec le président de la FAF, M. Kheireddine Zetchi, le Directeur technique national, M. Fodil Tikanouine, des membres du Bureau fédéral, des Directeurs techniques régionaux et des entraineurs. Il a établi un constat sur la réalité de la formation en Algérie, qu’elle concerne les joueurs ou les entraîneurs. Avant de rentrer en France, il a accepté de nous livrer ses sentiments sur ce qu’il a vu et sur les perspectives de contribuer à la réforme de la DTN en sa qualité de consultant libre.
M. François Blaquart, merci d’avoir accepté de répondre à quelques unes de nos questions. Vous êtes venu en Algérie en ce mois de septembre 2017, mais, à notre connaissance, il a été question que vous veniez bien avant. Quel a été votre premier contact avec la Fédération algérienne de football pour effectuer une visite en Algérie ?
C’est la troisième fois que je viens. J’étais venu pour donner une conférence il y a quelques années, puis j’étais venu discuter avec l’ancienne équipe dirigeante. Là, il se trouve que le président de la fédération a pris contact avec moi pour me demander de venir voir comment fonctionnait le football en Algérie et surtout d’échanger avec mon collègue (M. Fodil Tikanouine, Directeur technique national, ndlr) et tous ses collaborateurs sur la réalité du football algérien par rapport à des choses qui pourraient se faire à moyen terme sur des programmes dits de développement sous toutes les formes et aussi par rapport à l’expérience que j’ai pu acquérir par mon métier de DTN à la Fédération française de football depuis pas mal d’années. Il s’agissait d’observer un petit peu et de voir dans un premier temps comment ça fonctionnait et de débattre sur ce qui pouvait être éventuellement amélioré ou modifié par rapport aux exigences du football moderne et aux possibilités du football algérien sur les aspects modernité, développement, progrès et performance. L’idée est de faire en sorte que le football algérien soit meilleur sur tous ces aspects dans la mesure du possible.
Il y a eu deux aspects dans votre visite. D’abord, l’aspect théorique puisque vous avez eu des discussions avec le DTN, M. Fodil Tikanouine, le président de la FAF, des Directeurs techniques régionaux, des entraîneurs… Quelle a été la quintessence de ces discussions ? Qu’est-ce qu’il en est ressorti ?
On est partis sur les trois grands axes du métier de la DTN : la partie développement dont on résume souvent l’idée à faire jouer tous les pratiquants amateurs, notamment les enfants ; la formation du joueur de haut niveau, de la détection jusqu’aux sélections nationales de jeunes, de façon à rendre le football algérien plus performant puisqu’on peut toujours être plus performant ; le troisième pilier, celui qui accompagne tout ça, c’est la qualité de la formation des entraîneurs sous toutes ses formes : la méthodologie et ainsi de suite. Cela a toujours été le centre de la discussion que nous avons partagée d’ailleurs sur les trois journées. A chaque fois, les gens expliquaient un peu comment ça se passait et, moi, j’expliquais comment je voyais les choses et comment on les avait concrétisées en France. Il ne s’agit pas d’en faire un modèle, surtout pas, mais simplement d’avoir des éléments pour échanger. Après, le tout est d’imaginer si ce qui est fait est bien, si ça mérite d’être modifié, si on peut s’appuyer sur d’autres connaissances ou d’autres expertises… et ainsi de suite pour faire progresser les choses. Quand j’étais DTN en France, c’était la même chose : j’ai toujours cherché à être meilleur. Autrement, on ne progresse plus. Ça a été donc toujours des discussions et, à partir de là, vous abordez deux ou trois problèmes. C’est des décisions politiques. D’abord, fixer les objectifs et les moyens de les concrétiser et cela ramène aux problèmes de ressources humaines. Il faudrait fédérer tout le monde et faire mener tout le football algérien sur le même projet parce que la fédération ne peut pas avoir des projets si elle n’a pas l’adhésion des régions et des clubs, de même que les régions ne peuvent pas avoir des projets sans l’aval de la fédération et des clubs. Les clubs professionnels sont censés être professionnels, mais est-ce qu’ils le sont vraiment ? Est-ce qu’il y a des choses à faire sur ce volet ? Et les clubs amateurs, est-ce qu’il faut les avoir ? Je suis toujours dans une approche systémique, c’est-à-dire que tout est lié et rien n’est séparé. Le haut niveau et la pratique de base sont très liés et, souvent, on a tendance un petit peu à les séparer. Donc, l’idée est d’avoir une vision sur la fédération et la Direction technique nationale et il faudra après mettre cette vision en musique en développant les programmes, en créant des outils, en renforçant l’expertise… et ainsi de suite.
Il y a eu également le volet pratique, sur le terrain. Vous avez eu l’opportunité de visiter à l’improviste des clubs et des terrains où des jeunes s’entrainaient. C’était de manière inopinée afin que vous voyiez la réalité de ce qui se passe en Algérie. Est-ce que vous vous attendiez à voir ce que vous avez vu ? Est-ce que l’exiguïté des terrains est, par exemple, problématique pour la formation ?
Bien sûr, c’est très problématique. On ne peut pas bien entraîner dans des conditions extrêmement désavantageuses. On est allés sur des terrains où il y avait, si je ne me trompe pas, six ou sept ou huit groupes qui s’entrainaient en même temps. Ces gens ont un mérite fantastique. Par contre, ce qu’on peut constater, c’est qu’il y a un engouement terrible, très vivant, très dynamique. Les gens arrivent à s’organiser pour se partager les terrains. J’ai vu des entraineurs qui travaillaient déjà très bien et j’ai aussi vu des entraineurs qui travaillaient très mal. On a discuté avec des gens passionnants et passionnés qui, souvent, font ça sous forme de bénévolat. Moi, j’ai de l’admiration pour ces gens-là. Cela donne un caractère très vivant à ces stades parce qu’il y a du monde partout, mais ça donne aussi un caractère inquiétant parce qu’il y a un manque d’infrastructures. Cela dit, on était à Alger, une grande ville. Même en Europe, dans les grandes villes, il y a ce problème d’infrastructures, mais là, c’est flagrant. Par contre, j’ai vu beaucoup de gens qui avaient envie de faire des choses et qui essayaient de les faire dans des conditions difficiles. Ce serait bien que des entraîneurs français aillent voir comment ça se passe ailleurs parce que ce n’est pas facile (rires). J’ai vu des gens qui travaillaient bien, d’autres qui travaillaient un peu moins bien. Il y a beaucoup de vie. Donc, ça veut dire qu’il y a un potentiel fort, une envie très forte et aussi de la qualité parce que j’ai vu, en très peu de temps, de bons jeunes footballeurs amateurs. Je ne dis pas des footballeurs extraordinaires, mais j’ai vu de bons footballeurs. On est dans un cadre qui ressemble, en termes de qualité et de population, à ce qu’on connaît dans des pays comme les nôtres. Donc, il n’y a pas beaucoup de différence, sauf que les conditions sont un peu plus compliquées.
Vous avez parlé de la nécessité de conjuguer les efforts de la fédération et de l’Etat pour une action commune. Votre conclusion est-elle que la fédération ne peut faire aboutir un projet s’il n’y a pas un accompagnement de l’Etat sur les plans des infrastructures et des moyens humains ?
Je ne peux pas répondre parce que je ne connais pas le système organisationnel algérien. Je vais parler du système français où l’Etat a la tutelle du sport et la délègue aux fédérations. Aujourd’hui, dans le système français, et comme il y a une forme de désengagement de l’Etat sur le plan de l’argent à cause de la crise économique, les fédérations sont responsables de ce qu’elles font. Quand on est dans le football, l’avantage est qu’il y a un peu d’argent et c’est donc plus facile à faire. Pour d’autres sports, c’est un peu plus compliqué. L’important, c’est que chacun soit à la bonne place. Quel est le rôle de l’Etat et quel est le rôle de la fédération ? En France, la fédération a la tutelle complète du football. C’est donc une délégation qu’elle a de l’Etat, lequel peut intervenir lorsque ça ne va pas, mais elle est responsable de l’organisation du football dans sa globalité. Le danger, quand il y a plusieurs institutions qui s’en occupent, est qu’il y a parfois incohérence des programmes. Donc, l’intérêt d’une fédération est de veiller à ce que tout soit en cohérence, qu’il n’y ait pas une perte d’énergie ou des pertes d’argent, que les moyens aillent aux bons endroits… Ça peut être très complémentaire, à condition que tout soit bien défini : qui s’occupe des jeunes ? A quel âge ? Dans quelles structures ils s’entrainent ? Qu’est-ce qui fait la formation des entraîneurs ? La fédération ne peut pas faire la formation des cadres si l’Etat le fait. Inversement, l’Etat ne peut pas la faire si la fédération la fait. Sinon, vous arrivez à des systèmes relativement incohérents et non coordonnés. L’intérêt et de coordonner pour être efficace. En France, par exemple, même les diplômes d’entraîneurs sont purement fédéraux, c’est-à-dire que c’est la DTN et la fédération, propriétaires de ces diplômes, qui les développent. Il y a quelques fois une complicité de l’Etat en terme d’intervention, mais il y a une seule unité de formation pour l’ensemble des diplômes. Ça, c’est important. Il faut mettre de la cohérence.
Il y a en Algérie un petit débat sur la formation : pour certains, c’est aux clubs de former, et pour d’autres, c’est à la fédération de former. Pour vous, qui doit former ? Ou bien faut-il qu’il y ait complémentarité entre les deux parties, clubs et fédération ?
C’est un choix stratégique, mais c’est à la fédération de le déterminer. Elle doit déterminer le plan de formation du joueur et savoir qui l’applique. En France, les U14 et U15 sont formés dans les centres fédéraux, donc par la fédération, puis, de la catégorie U16 jusqu’à celle de U20, ils vont dans les centres de formation des clubs professionnels qui sont très performants puisque, aujourd’hui, la formation française marche bien. Par contre, la formation dans le football féminin en France est au stade des balbutiements, comme chez vous. Elle commence juste à se développer. Les clubs féminins ne sont pas capables de faire de la formation de haut niveau. Donc, les filles de 16 à 18 ans sont dans des structures fédérales. Cela veut dire que vous vous adaptez aux besoins et aux moyens. C’est à la fédération, avec les clubs, de décider qui fait les choses, sur quelles étapes et à quel moment. C’est un peu comme définir le rôle d’une wilaya, d’une région et de la fédération dans la répartition des tâches. L’important est que ce soit défini. C’est surtout ça. Si les clubs ne sont pas à même de faire de la formation, il vaut lieu que ce soit la fédération qui le fasse, mais si les clubs sont capables de le faire à un certain âge, il vaut mieux que le relais soit pris par eux. Les centres de formation en France sont dans des clubs, mais ils sont complètement contrôlés par la DTN en termes d’agrément, de formation, de programme, de suivi… C’est-à-dire que c’est une forme de délégation. Si c’est pour laisser les clubs faire de la formation sans exigence, ça ne sert à rien non plus. Donc, il y a des passerelles. Ce ne sont que des choix stratégiques parce que les pays n’ont pas tous la même organisation. Vous avez aussi des systèmes scolaires sports et études à l’américaine qui peuvent être très performants, où les joueurs font du sport dans des lycées, des collèges et des universités. Le choix du système est dépendant de la structuration institutionnelle du pays. Il y a donc des endroits où il vaut mieux que ce soit les clubs qui forment, d’autres où il vaut mieux que ce soit l’Etat et d’autres où il vaut mieux que ce soit la fédération qui le fasse, puis il y aura une répartition des responsabilités. Le grand danger est que les structures se concurrencent alors que l’important est qu’elles se complètent. Comme je vous l’ai dit, en France, les 14 et 15 ans sont formés par les pôles fédéraux, qui marchent très bien, et l’INF (Institut national de football de Clairefontaine, ndlr), et les 16 à 20 ans par les clubs professionnels.
Vous avez été longtemps Directeur technique national à la Fédération français de football. Est-ce que vous pouvez nous résumer le palmarès des sélections françaises de jeunes sous votre direction ?
Je suis un DTN gâté (rires) ! J’ai commencé par un titre de champions du monde U17 filles et j’ai fini l’an dernier par un titre de champion d’Europe U19 garçons. Entre-temps, on a été champions d’Europe U17 garçons, champion du monde U20 garçons, trois fois champions d’Europe U17 filles et on a fait énormément de finale, demi-finales et quarts de finale car le plus important est d’être toujours au haut niveau. Donc, je suis un DTN gâté, sincèrement. De plus, la France est reconnue aujourd’hui comme le plus grand pays formateur d’Europe, celui qui exporte le plus de joueurs dans les grands clubs. Cela ramène aussi une économie très forte. Donc, effectivement, je suis parti au bon moment avant que tout cela ne parte (rires). Je suis très, très chanceux, mais ce sont tous mes collègues qui ont fait le travail, et non pas moi seulement.
Justement, cet été, deux des plus gros transferts à l’intersaison ont été deux joueurs issus de la formation française : Kylian Mbappé et Ousmane Dembele. Pouvez-vous nous citer d’autres joueurs qui ont été formés sous votre égide avant d’exploser sur la scène internationale ?
Il y a deux joueurs qui ont été transférés vers des clubs importants : Lacazette et Tolisso. Tolisso est parti au Bayern Munich et Lacazette à Arsenal. Aujourd’hui, la sélection de France est composée en grande majorité de joueurs issus du système de formation. Le meilleur exemple est Mbappé parce qu’il a fait l’INF et le centre de formation de Monaco. Rabiot du PSG a fait le centre de préformation de Toulouse, le centre de formation du PSG et toutes les sélections nationales de jeunes. L’Equipe de France est composée de beaucoup de joueurs qui ont fait les sélections nationales et qui ont appris à gagner en jeunes. Ça, c’est très important. Quand vous voyez l’Equipe de France d’aujourd’hui, on la juge bonne et avec une grande qualité comme on n’en avait pas eu depuis longtemps. Tous ses joueurs, de Lloris qui est le plus vieux à Mbappé qui est le plus jeune, ont gagné des titres en jeunes. Lloris a été champion d’Europe U19, Pogba et Varane ont été champions du monde… Bon nombre d’entre eux sont passés par le système de formation classique, dont certains par les pôles fédéraux : Mendy, Mbappé, Rabiot… Pour nous, c’est aujourd’hui la concrétisation d’un travail important avec une mentalité et une connaissance de jeu qu’on a développées sur de nouveaux programmes et qui sont visibles. Quand on voit la sélection française U19 être championne d’Europe ou celle U17 un an auparavant gagner contre les Allemands en leur mettant quatre ou cinq buts de manière flamboyante, avec la qualité de jeu que l’on recherche, avec le comportement et la mentalité voulus, c’est effectivement une source de satisfaction. Surtout, ce qu’il faut se dire, c’est que ce n’est pas suffisant. Je suis persuadé qu’on peut faire beaucoup mieux. J’ai arrêté volontairement parce que j’ai pris ma retraite, mais il y a encore plein de choses à faire, comme l’organisation des compétitions de jeunes. Il y a plein de petits trucs à faire qui permettraient d’améliorer encore les choses, mais quand vous avez ce type de résultats, vous ne pouvez être qu’un DTN heureux. Je pense que tous mes collègues rêvent de telles situations. C’est une forme de reconnaissance pour la Direction technique nationale car ce n’est pas toujours facile d’être à la DTN.
Tous ces résultats ont fait de vous une référence sur le plan mondial. Cependant, pour beaucoup d’Algériens, vous êtes surtout connu pour les fuites qu’il y a eu lors d’une réunion que vous aviez tenue à la DTN et la question des fameux quotas que la DTN a préconisés pour certains joueurs issus de l’immigration parce que ces joueurs, une fois formés par la France, jouaient pour les sélections de leurs pays d’origine. Pouvez-vous revenir sur ce point afin de l’éclaircir et clarifier votre position pour l’opinion publique algérienne ?
D’abord, il s’agissait de fuites d’une réunion privée, ce qui est quand même scandaleux. On était dans une réunion privée et il n’y a eu aucune action publique qui a été menée dans ce sens-là. Je rappelle qu’on était après Knysna (le scandale de Knysna, lors du Mondial-2010, où des joueurs français avaient refusé de descendre du bus pour s’entrainer afin de protester contre le renvoi de Nicolas Anelka par la Fédération française de football, ndlr) et on avait des problèmes de comportement de jeunes qui était énorme et cela n’avait rien à voir avec leurs origines ethniques. Moi, j’ai toujours l’habitude de laisser parler les gens lors des réunions. On était encore sous le choc. Le DTN était parti et on essayait de se reconstituer. On était attaqués de toutes parts, au point où la fédération avait organisé des états généraux du football. Au cours de cette réunion, la discussion a porté sur l’intérêt qu’avaient les jeunes à rester en sélection de France. Justement, c’est une discussion qu’on a eue ce matin (mardi matin, ndlr) : aujourd’hui, un joueur qui vient en sélection doit avoir un amour pour cette sélection. C’est vrai que certains sélectionneurs vivaient mal de travailler avec des jeunes et de les voir partir après, pour la bonne raison qu’on pouvait estimer que ces jeunes prenaient la place d’autres et qu’au moment où ils nous «laissaient tomber», après un investissement financier et un investissement humain. Il y a une forme d’inquiétude, si vous voulez, Cette inquiétude, c’était l’ «identification» et l’appropriation de la sélection par le joueur. Comme dans un club, quand un joueur vient jouer, il faut qu’il aime sa structure. La discussion était donc partie de là et il est évident que c’était une discussion interne et les mots n’ont pas été forcément toujours choisis. Il faut savoir que ça a été copieusement déformé par le média. Je rappelle qu’à la sortie de cette affaire, il y a eu des enquêtes publiques qui ont conclu que nous n’avions rient fait et que rien n’a été lancé. En plus, c’est mal tombé avec moi parce que je suis quelqu’un qui travaille beaucoup dans tout ce qui est lié aux discriminations. On nous accusés de tous les maux alors que le document était sorti six mois après la réunion et qu’il était prouvé qu’on n’avait rien orienté. Je reconnais moi-même que j’ai dit un mot et j’ai regretté tout de suite ce mot, mais quand on discute, on peut à un moment sortir un peu. Le résultat de cette discussion nous a amenés à renforcer l’accompagnement des joueurs et notamment tout ce qui est du domaine du mental de façon à ce que les joueurs s’identifient davantage au projet parce qu’on s’est rendu compte qu’en fait, on n’accompagnait pas assez les joueurs dans leur projet vis-à-vis de la sélection. Après, il n’y a aucune gêne qu’un joueur parte vers une autre sélection. Je suis d’autant plus à l’aise pour le dire que j’ai un très bon ami qui a été capitaine de l’Algérie pendant longtemps : Anthar Yahia. Il a été mon joueur à Sochaux et j’ai toujours été très heureux qu’il soit le capitaine de l’Algérie parce qu’il a exprimé une fierté exceptionnelle et que c’était ses racines. Je comprends cela. Nous estimions que, dans les sélections de jeunes, on pouvait accepter cette notion de bi-nationalité, mais qu’à un moment donné, il fallait choisir. Michel Platini avait fait une excellente proposition en disant que le choix devait se faire à 18 ans, quand le joueur devient majeur. C’est beaucoup plus difficile lorsque le joueur joue en Espoirs jusqu’à 23 ans car, quelque part, il vous «laisse tomber» sur le plan sportif. Cela n’a rien à vor avec des idées qui peuvent être considérées comme xénophobes ou discriminatoires. Pas du tout ! Tout simplement, on a réagi en sportifs. Je prends un exemple : en France –je ne sais pas si c’est le cas avec l’Etat algérien-, il y a des jeunes qui, quand ils sortent de certaines écoles, doivent travailler pour l’Etat (ce qui est appelé en Algérie le service civil, ndlr). C’est exactement la même chose. On estime qu’on a investi à la formation et que ce joueur doit quelque chose à la structure qui l’a formé. Je ne dis même pas à la nation qui l’a formé. Ça n’a eu aucun, vraiment aucun prolongement puisque, de toue façon, cette histoire est sortie six mois après la réunion et il n’y avait plus rien. Elle nous est tombée dessus alors que je ne me souvenais même plus de la réunion. Sincèrement. Sauf qu’il y a quelqu’un qui l’a enregistrée, ce qui est relativement malhonnête. Imaginez que vous ayez un collaborateur qui, derrière vous, enregistre votre discussion, la fait manipuler et la transmet à un média (Mediapart, ndlr) qui a transformé complètement la chose. La question était simplement de dire : est-ce qu’on peut faire en sorte que les joueurs qui sont en sélection s’engagent davantage dans la sélection ? On a fait notre mea-culpa parce qu’on s’est dit que c’est de notre faute et qu’il faut qu’on amène les joueurs à ce qu’ils aient plus d’engagement et, donc, qu’il faut qu’on travaille sur des données, notamment sur tout ce qui est lié à l’appropriation et au mental. Quelque part, ça nous a permis de progresser, sauf qu’avec cette affaire, on en a pris plein la tête. On m’a traité de choses que je ne suis pas. Les gens me connaissent. J’ai travaillé à l’étranger. Sinon, je ne serais pas venu ici (en Algérie, ndlr). Je peux vous faire la liste de mes amis.
Il y a des Algériens, entre autres ?
Entre autres, oui ! Beaucoup ! Voilà, c’est les médias. Cela m’a permis de grandir parce que ça a été douloureux. Vous m’en parlez encore alors que vous ne devriez pas m’en parler. Si ça permet de mettre les choses au point, OK, mais je trouve cela malheureux car j’ai fait autre chose dans ma vie.
Pour conclure, après avoir effectué une visite en Algérie, eu un aperçu de ce qui se fait ici et fait des constats, est-ce que ça vous intéresse de participer à la réforme du football algérien tel que ça vous été proposé, sous forme de consulting ?
Je ne sais pas. Moi, je suis venu à la demande de la FAF. On a bien discuté et c’était très intéressant. Je suis un homme libre puisque je suis retraité et je me suis positionné dans mes activités pour faire du conseil du moment que les gens pensent que je peux avoir une expérience compte tenu des structures dans lesquelles je suis passé et des responsabilités que j’ai eues : conseil aux clubs et conseil au nations. Je reconnais que je n’ai pas envie de faire une rupture totale et que l’idée de conseil à une nation ou à un club professionnel peut me séduire, à condition que l’on ressente la volonté réciproque de travailler ensemble. Je ne suis pas dans une demande d’emploi. Je suis dans l’expression de transmettre mon expérience. On parle d’ingénierie et j’aime bien ce mot parce qu’il évoque des connaissances qui sont particulières et qu’on peut partager et qu’on a déjà commencé à partager. C’est à la fois de ma décision, à savoir si j’ai envie de le faire ou pas, et de la décision du président, du DTN et du Bureau fédéral de savoir si ça les intéresse ou pas ou s’ils en ont envie. De toute façon, ce sera limité à une notion de conseil et ce ne sera fait que s’il y a une envie réciproque. On ne peut pas dire autre chose. Ça se fera ? Ça ne se fera pas ? Je n’en sais rien. Une chose est sûre : c’est assez excitant dans le sens où il y a peu de nations qui peuvent offrir le potentiel qu’offre aujourd’hui l’Algérie en termes de football. Il y a la passion, la population, une page d’histoire et, surtout, les ressources humaines, notamment les joueurs. Ça veut dire que c’est passionnant. Vous pouvez tomber sur un petit pays où il y a trop de limites ou dans un pays où, économiquement, c’est difficile. Il y a donc quelque chose à faire. Il peut y avoir beaucoup de similitudes avec ce qu’on a pu faire en France et ce qui se fait aussi en Espagne ou en Allemagne. C’est des pays qui sont dominants en Europe dans les domaines de structuration. Donc, à voir. Wait and see, comme on dit.
Mais vous, ça vous intéresserait, en cas d’accord ?
Cela dépend du projet. C’est-à-dire que, d’un côté, il faut que les gens comprennent et voient si je peux ramener quelque chose ou pas parce qu’on pourra dire qu’il ne nous ramène rien. De mon côté, il faut que je ressente cette envie. Il y a une partie de passion qui est intéressante parce que j’ai l’avantage aujourd’hui de ne pas courir après les choses. Mais je suis en forme (rires).
FRANÇOIS BLAQUART : «PRET A CONTRIBUER A LA FORMATION EN ALGERIE S’IL Y A ENTENTE SUR LE PROJET»
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