EN MEMOIRE DE MEHDI CERBAH : LE LEGENDAIRE GARDIEN DES VERTS

Quelques mois seulement avant qu’il nous quitte, Mehdi Cerbah avait offert un joli cadeau à tous ceux qui l’ont connu et apprécié en tant que gardien de but légendaire, athlète hors-pair, technicien rigoureux et surtout l’homme qu’il était : ses mémoires.

Un acte hautement significatif pour quelqu’un qui s’est toujours fait discret, mais qui a tenu à faire ce travail pour lutter, à sa façon, contre la culture de l’oubli et celle de l’indifférence.

D’ailleurs, malgré la maladie qui le rongeait, il était tout heureux de venir en cet après-midi radieux à la librairie mythique du Tiers Monde, place de l’Emir Abdelkader, à Alger, pour signer son livre, intitulé ‘’Mehdi Cerbah, Mémoires d’un gardien de but’’, entouré d’amis et proches, mais aussi de quelques joueurs qui ont fait un bout de chemin avec lui sur les terrains de football.

L’histoire de Mehdi Cerbah, un gars droit dans ses bottes, fier, au caractère bien trempé, et d’un professionnalisme rarement égalé de nos jours, est intimement liée à celle de notre football et de l’une des plus belles épopées que ce sport a connu.

Le narrer en quelques lignes, serait un exercice audacieux, tellement sa vie et sa carrière de gardien de but, ce métier à part dans le football, est riche et mérite de s’y attarder vraiment dans les détails. Plonger dans son livre-mémoires, serait aussi l’une des plus belles envolées à faire car son histoire mérite d’être racontée à tous ceux qui se passionnent pour le football et la vie des hommes.

N’avait-il pas confié à quelques proches que la venue de Djamel Belmadi, qu’il avait connu au Qatar, qu’il ‘’était l’entraîneur idéal pour notre sélection et qu’il avait les clés de la réussite’’. Son vécu et ses connaissances en football, lui ont d’ailleurs permis, une fois les gants accrochés, de pratiquer les métiers d’entraîneur, de directeur technique, de formateur et de consultant télé, où ses analyses étaient d’une grande lucidité.

Mehdi Cerbah nous a quitté un jour béni, le vendredi 29 octobre 2021, à quelques encablures seulement de la commémoration du 1er Novembre, une date très chère pour le peuple algérien pour lequel il a offert ses plus belles années, mais surtout un bonheur indescriptible et une fierté sans mesure.

Mehdi Cerbah, en quelques repères

1953 : et plus précisément le 3 janvier, en plein hiver, qu’est né Mehdi, portant ainsi un prénom très évocateur celui d’un enfant dont les pas seront bien guidés pour réussir.

1958 : l’année où la famille Cerbah, venant de la Casbah, est venue s’installer dans le quartier de La Colonne Voirol, près de Hydra sur les hauteurs d’Alger. Pour ceux qui ne le savent pas c’est à partir de cet endroit, où était dressée une véritable colonne, qu’on calculait le kilométrage entre Alger et le reste du territoire algérien.

1963 : l’année où Mehdi a fait ses débuts en tant que Louveteau au sein des Scouts Musulmans Algériens (SMA), une étape importante dans sa formation et son éducation pour les valeurs nationales.

1966 : détecté par un fin connaisseur et éducateur de football de l’époque, le regretté Tayeb Boudjemaâ, le jeune Cerbah intègre le Hydra AC, qui portait à l’époque le nom de GSAH (Groupement sportif Athlétique Hydra), avant de passer une année après au RAMA (club fondé par Didouche Mourad), El-Mouradia, pour évoluer en cadet avec une licence de minime.

1968 : tout en étant cadet, le talentueux Mehdi Cerbah évoluait souvent avec les seniors, malgré qu’il ne soit pas d’un grand gabarit. Mais ses autres grandes qualités lui ouvrirent déjà les portes de la sélection nationale cadette qui prendra part à plusieurs tournois internationaux.

1969 : grâce à un autre connaisseur et fervent supporter de la JS Kabylie, Amar Zegrour, le jeune Mehdi passe une nouvelle étape en signant une nouvelle licence, en tant que cadet à l’USM Alger. Il avait 16 ans et son aura commençait déjà à dépasser les frontières.

1972 : l’année où Cerbah gagne son premier titre, c’était avec les juniors de l’USM Alger en battant en finale de la Coupe d’Algérie le RC Kouba (1 à 0), club dont il endossera le maillot quelques années après. Ce titre lui ouvre la voie pour la sélection junior, drivée par le duo El Kenz et Sellal. C’est aussi la même année où Cerbah débarqua à la JS Kabylie, club phare du Djurdjura où il passa neuf longues années, jusqu’en 1981.

1975 : l’année où l’Algérie a décroché son premier titre, une médaille d’Or aux Jeux Méditerranéens d’Alger en finale face à la … France, avec dans les buts Mehdi Cerbah, le gardien bondissant tout en noir habillé.

1978 : après les JM, c’est au tour des Jeux Africains qu’a abrité Alger de voir les Verts décrocher une autre médaille d’Or en finale face au Nigéria (1 à 0), but d’Ali Bencheikh et Cerbah comme gardien du temple, préservant sa cage vierge.

1979 : Avant de prendre part aux Jeux Méditerranéens de Split, en ex-Yougoslavie, et ce fameux match perdu contre le pays hôte avec en prime une belle bagarre, Cerbah fera un crochet par le FC Metz, dirigé par Jean Snella, pour faire des essais qui le prêta à Thionville, club de Ligue 2 française pour cause de limitation de joueurs étranger.

1980 : Les premiers Jeux Olympiques pour notre sélection nationale, à Moscou, devaient passer par une double confrontation face au Maroc restée dans les annales. Auréolés de leur brillante participation en Coupe du Monde de 1978 en Argentine, les Marocains se font ramasser en aller et retour (5 à 1) et (3 à 0), un autre souvenir extraordinaire vécu par Mehdi Cerbah et ses coéquipiers.

1980 : Toujours la même année, mais cette fois c’est au Nigéria que l’événement se déroula avec la deuxième participation de notre sélection en phase finale de la CAN après celle de 1968. L’Algérie parvient brillamment en finale avant de céder dans l’enfer du stade Surelere face au Nigéria (0 à 3). Mais les Verts prendront leur revanche une année après lors des éliminatoires de la Coupe du Monde en battant les champions d’Afrique en titre (2 à 0) à Ibadan et (2 à 1) à Constantine.

1981 : c’est en milieu de la saison que Cerbah rejoint le RC Kouba, club avec lequel il contribue au premier et unique titre de champion d’Algérie, aux côtés d’une pléiade de grands joueurs, à l’image des Assad, Chaïb, Aït Cheggou, et autre Kaci Saïd Mohamed.

1982 : au coup d’envoi du premier match de l’histoire de la Coupe du Monde, le 16 juin à Gijon, au stade d’El Molinon, Mehdi Cerbah est dans la cage algérienne, avec, devant lui, les autres légendes du football algérien de cette époque, les Fergani, Belloumi, Madjer, Dahleb, Assad, Bensaoula, Merzekane, Guendouz, …. Que du lourd !

1984 : C’est le retour au pays, et surtout au RC Kouba, club où il fait bon y vivre pour terminer une carrière bien pleine.

• 1986-1987 : c’est la saison du drame ! Le bus qui transportait l’équipe banlieusarde à Boussaâda, pour affronter l’équipe de Ouargla, se renversa, causant le décès de quatre joueurs, les défunts Kab, Chakir, Boualdja et Rouibi ainsi que le supporter Saâdi Guerzou. Cerbah devait être du voyage, mais une affaire familiale l’empêcha de vivre ce drame, mais qui le marqua pour longtemps.

1988 : la saison 1987/1988, fut la dernière de Mehdi Cerbah sur les terrains de football en tant que gardien de but. Après avoir pansé les stigmates de cet accident qui força l’équipe à ne pas terminer la saison, et sonner le retour des anciens, qui a permis au RCK de réaliser l’accession en fin de saison.

2021 : C’est l’année où Mehdi Cerbah a regagné l’au-delà après avoir signé un joli livre, écrit par son ami et artiste Sid Ahmed Bouadou que nous vous invitons à lire pour plonger dans l’intimité de l’homme et l’histoire passionnante d’un gardien de but, qui, à travers son récit, il a rendu hommage à toute une génération d’acteurs de notre football.

22 : La même année 1982, après la Coupe du Monde, Cerbah se rendra à Paris où il s’entraîna avec le … Paris Saint-Germain. Mais la loi limitant le nombre de joueurs étrangers à deux, força Cerbah à un exil au Canada, où il évolua durant 22 mois au Manic Montréal, grâce notamment à l’aide de Mustapha Dahleb. Avec club, Cerbah découvre les Etats-Unis puisqu’il prendra part au championnat Soccer de ce pays.

65 : c’est le nombre de fois où Mehdi Cerbah a porté fièrement et défendu crânement le maillot national.

11 : c’est le nombre d’années durant lesquelles Mehdi a régné au poste de gardien de l’équipe nationale, grâce à des qualités indéniables et un sérieux de tous les instants.